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Tracy Chapman : « Je ne pensais pas voir un Noir à la Maison-Blanche »

Publié dans le Parisien, Section Culture & Loisirs, le 18 décembre 2008

Vingt ans après son tube où elle prévoyait une révolution en Amérique (« Talkin’bout a Revolution »), la chanteuse folk semble exaucée par l’élection du nouveau président. En tournée en France, elle nous confie pourquoi elle se reconnaît en lu

Ses chansons sont précieuses. Sa parole aussi. Tracy Chapman s’exprime très rarement en tournée. Et pourtant, nous avions envie de l’entendre. Parce que la chanteuse a gagné. Elle et ses chansons. Notamment une, « Talkin’bout a Revolution », premier tube de 1988 qui résonne vingt ans plus tard dans une Amérique en plein bouleversement. L’artiste nous a reçus il y a quelques jours à Lyon, dans le cadre de sa tournée, qui s’arrête ce soir à Strasbourg et demain à Paris au palais des Congrès, pour défendre son magnifique nouvel album « Our Bright Future ».

Lors de vos concerts, vous parlez beaucoup des élections américaines…
Tracy Chapman. Oui, parce que ce qui se passe est très révélateur. J’ai grandi à Cleveland, dans l’Ohio. C’était un fief républicain, conservateur, même s’il abrite beaucoup de classes populaires. Il y avait de gros problèmes de racisme, j’ai même écrit l’une de mes premières chansons, « Across the Lines », sur ce sujet. Cette fois, l’Ohio a voté en masse pour Obama. Comme si les gens avaient réalisé que huit ans d’administration Bush n’avaient pas fait évoluer leur quotidien. Ils n’ont pas eu plus de travail, pas de meilleur réseau éducatif, pas d’amélioration de leur système de santé. En votant Obama, ils n’ont pas eu peur du changement.

C’était votre candidat ?
Oui, depuis le début. Il est qualifié, charismatique, ouvert d’esprit. Il a aussi de l’expérience en politique, mais pas assez pour être compromis et ne penser qu’aux lobbys qui financent sa campagne.

Etait-ce important qu’il soit afro-américain ?
Oui et non. De toute façon, une victoire démocrate allait être historique : soit un Noir, soit une femme avec Hillary Clinton. Je me suis surtout demandé en quoi croyait Obama et quelles idées il voulait défendre. Certains de mes amis ne comprenaient pas pourquoi je ne soutenais pas une femme. C’est ce genre de raccourci qui fait que le pays est en perdition aujourd’hui. Pendant longtemps, les Américains ont voté pour quelqu’un de rassurant, le mec avec qui ils auraient envie d’aller boire une bière.

Mais le fait de voir un président comme lui, c’est symboliquement fort pour vous ?
Je ne pensais pas voir cela un jour. Parce que le racisme est profond chez nous. Il y a encore cinquante ans, les Noirs n’avaient pas le droit de vote. Le racisme était institutionnalisé à ce moment-là. Et c’est encore une énorme force négative dans la culture américaine.

Vous vous sentez proche du destin d’Obama ?
Quelque part, oui. Il y a des similitudes. Il a été élevé seul par sa mère, comme moi. Il vient des classes populaires. Moi aussi. Ma famille et la sienne ont fait des efforts financiers pour que l’on puisse suivre des études. Moi, j’ai effectué un cursus d’anthropologie tout en commençant la musique dans les bars de Boston. Cet accès à l’éducation, au savoir, a changé le cours de ma vie. Ce fut la même chose pour Obama. Cela montre que le mythe américain peut être bien réel.

Vous l’avez rencontré ?
Non, mais je l’ai soutenu, j’ai versé des fonds pour sa campagne, donné un concert. Je viens d’être invitée à chanter pour son investiture à Washington, cela va être étrange de participer à un tel événement que je vois habituellement à la télé.

Vous voulez y chanter « Talkin’bout a Revolution » ?
Pourquoi pas ! En fait, je pense que le protocole a prévu des chansons traditionnelles américaines. Alors je ne sais pas. « Talkin’bout a Revolution » parle des ouvriers, des pauvres, de tous ceux qui veulent un destin meilleur. Celui d’Obama paraît effectivement très proche de cette chanson.

Le Parisien

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