SETLIST
1. Nothing Yet
2. Baby Can I hold you
3. Less Than Stranger
4. For My Lover
5. Speak The Word
6. Across The Lines
7. Unsung Psalm
8. Behind The Wall
9. The Promise
10. Save A Place For Me
11. The Only One
12. Fast Car
13. Wedding Song
14. She’s Got Her Ticket
15. It’s OK
16. New Beginning
17. Talkin’bout A Revolution
18. Telling Stories
19. Give Me One Reason
Encores:
20. Get Up, Stand Up
21. Proud Mary
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Tracy Chapman, chanteuse de blues en l’an 2000
Par Véronique Montaigne, Le Monde, 13 mai 2000
Tracy Chapman n’a besoin de rien. Pas de lumières, pas d’effets de scène, pas de paroles inutiles. Juste une guitare, et des musiciens, qui jouent d’enfer sous des airs modestes, et ne paraissent être là que pour éclairer le monument de singularité que représente la jeune chanteuse afro-américaine. On la dit timide. Elle commence ( Good Times) son récital dans le noir. Mais dans le désert moral et philosophique des villes américaines, tel que décrit dans American Beauty, le film oscarisé de Sam Mendes, Tracy Chapman apporte des valeurs – honnêté, sincérité, idéal. Dans le paysage dévasté des banlieues où la communauté noire est minée par la violence, la drogue et la prison, elle apporte de la paix. Son public lui offre en échange une ferveur de sentiments assez rare dans le paysage des musiques populaires américaines.
L’Europe n’est pas en reste. La plupart des spectateurs présents à l’Olympia pour le concert unique du 10 mai étaient encore au cours préparatoire quand est sorti, en 1988, Tracy Chapman, premier album de folk engagé, à l’incroyable succès. Mais ils en connaissent les chansons par coeur. Où, et quand, les ont-ils apprises ? On a dit Tracy Chapman finie, ringarde avec son lot de bons sentiments humanistes, sa nostalgie bébête et sa guitare grattée. Son handicap dans la course aux nouveautés était énorme : dix millions de Tracy Capman vendus, une chanson ( Talkin”bout a Revolution) devenue agaçante à force d’être chantée, fredonnée partout et par tous. Bien des luttes se sont éteintes, Thabo Mbeki est président d’Afrique du Sud – Tracy Chapman fut révélée en 1988 à Wembley, lors du concert de soutien à Nelson Mandela, le leader sud-africain alors emprisonné -, la bourse s’affole et les start-up monopolisent l’attention médiatique : Tracy Chapman ne bouge pas ses positions d’un pouce : elle écrit et chante des ballades anti-fric ( Paper and Ink), des appels à la compassion.
La jeune femme née en 1964 à Cleveland (Ohio) a été élevée avec sa soeur par une mère quittée jeune et qui chantait du gospel à l’église. Sister Rosetta Tharpe (1915-1973), membre d’une Eglise sanctifiée, chanta d’une voix aiguë des histoires tristes de femmes noires avant de s’en remettre à Dieu et au chant sacré. Sister Rosetta jouait de la guitare, fort bien, et portait des coiffures roulées aux bigoudis. Tracy Chapman joue de la guitare (parfois électrique), elle est coiffée à l’afro, cheveux noués en queue de cheval, collier en or. Elle garde les yeux clos. Elle ne crève pas les planches, mais elle a un charme absolu, qu’elle chante a capella de terribles fables où les femmes sont battues et les enfants méprisés, ou bien les tortures sentimentales et l’absolue solitude des jeunes filles. Il n’y a rien d’étonnant à cela. Tracy Chapman, revenue d’un coma musical un peu dépressif grâce à la richesse mélodique de Telling Stories, descend en droite ligne des traditions afro-américaines.
Une heure et demie de ballades à voix grave, et puis tout s’envole : Chapman livre une version radicalement blues de Give Me One Reason (chanson parue en 1995 sur l’album New Begining, sorti en 1995), puis Get Up, Stand Up de Bob Marley et, pour conclure, une reprise joyeuse et sereine de Proud Mary, écrite par le Blanc John Fogerty, avant de devenir un hymne noir par la voix d’Ike et Tina Turner. Et plus personne ne veut quitter la salle.
