2008 – Tracy Chapman: “Pourquoi j’admire Madonna”

By Alexis Campion, LeJDD.fr, November 07, 2008

>> C’est avec Larry Klein, arrangeur proche d’Herbie Hancock et de Joni Mitchell, que Tracy Chapman a voulu enregistrer son 8e album, Our Bright future. Un complice idéal pour envelopper de guitares et percussions raffinées sa voix reconnaissable entre mille, douce et épicée, fragile et volontaire. Rencontre avec une chanteuse engagée auprès d’Amnesty, l’Afrique, le Tibet et contre le sida.

Entre deux chansons, sur scène, vous prenez toujours la parole…
Bien sûr, mais j’en rajoute pas. Je reste musicienne. Je n’ai pas envie de dire aux gens ce qu’ils ont à faire.

La chanson Our Bright Future, habitée par une grande tristesse et un espoir pur, promet de marquer les esprits. Elle dit que “notre futur prometteur est derrière nous”…
Elle est sur la guerre. Cette société s’est engagée dans la voie du sacrifice. Dans un tel contexte, on peut être sûr que les meilleurs moments sont derrière nous.

Vos chansons expriment des sentiments très précis. Le personnage qui a tout vu, tout vécu et surtout bien bu dans I did it all, c’est vous?
(toute gênée)… Il y a de moi dans chaque chanson et oui, il m’arrive de boire un coup! Mais le côté autobiographique n’est pas la clé. Sur I did it all je crée, ou recrée peut-être, un personnage qui a bu, qui vit intensément. C’est un bon exemple d’idée toute simple, émotionnelle, qui me vient comme on a envie de parler, raconter. Je ne saurais faire d’explication de texte. En revanche, trouver les instruments requis et les bonnes dynamiques, chercher la juste expression, l’émotion, cela me passionne. Avec mes musiciens, c’est un plaisir de se mettre en quête de l’état mental d’une fille un peu ivre et désabusée. En buvant à sa santé, bien sûr! De même, sur Thinking of you, qui évoque une passion obsessionnelle, j’ai voulu les emmener à l’intérieur de cette femme… qui n’est pas spécialement moi! Ce qui est moi, ce sont ces mélodies qui épousent ces sentiments.

Vous allez tourner, comme toujours en commençant par l’Europe…
Des deux côtés de l’Atlantique, j’ai la chance d’avoir un public qui me suit, me connaît. En Europe, il y a cette impression assez stimulante que les gens sont attentifs et qu’ils en veulent toujours un peu plus. Il suffit d’attaquer une chanson sur un rythme plus lent ou de la tourner différemment, ici, le public réagit de suite. C’est intéressant, cela me pousse à peaufiner ce que je fais, à changer des choses, aller un peu plus loin. Aux USA, il est plus courant qu’un public vous donne l’impression d’être juste venu écouter l’album en live…

La situation du marché du disque vous préoccupe-t-elle?
Pas du tout. Ce qui me préoccupe, ce sont les compromis qu’on demande aux artistes, en leur faisant croire que c’est la condition pour exister. J’ai la chance de ne pas avoir besoin de me plier pour m’exprimer et vendre. Mais j’en connais pas mal qui se battent sans fin pour leur indépendance et leur créativité. Nina Simone avait cette dimension magnifique et bouleversante. J’ai sans doute été moins entravée, je suis d’une autre époque.

Vous admirez Madonna?
Ce qu’elle sort dernièrement ne m’emballe pas trop mais disons que ça se danse. Je l’admire surtout parce qu’elle a fait un sacré bout de chemin dans un show-biz dominé par les mecs, Stones, Beatles, Dylan, Eagles et j’en passe. Elle incarne moins la nouveauté qu’il y a vingt ans, bien sûr, mais sa longévité de carrière, justement, force le respect. Pour une femme et avec les musiques que l’on sait… Vous voyez un équivalent masculin à Madonna?

Elton John?
Pas faux! (elle rit) Il est plus vieux mais il supporte bien la comparaison, il est pop, il sait allier la qualité et les paillettes, les ventes et le clinquant. Et bien justement. Qui penserait à le taxer d’être trop vieux pour faire tout ce qu’il fait, ce jeune marié? Et regardez le procès qu’on fait à Madonna, qui arrive à la cinquantaine avec ses bas résilles. A croire que cela serait indigne d’être femme trop longtemps? Typique du sexisme inconscient qui rôde et qui persiste.

Our Bright future (Elektra – Warner), sortie lundi 10 novembre. En tournée européenne à partir du 12 novembre (Bruxelles), à Paris les 22 novembre (Folies Bergères) et 19 décembre (Palais des Congrès), en décembre le 4 à Marseille, le 5 à Lyon, le 18 à Strasbourg.

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