2003 – Le monde et la route selon Tracy Chapman

Par François TONNEAU, La Provence, 8 Février 2003

La diva douce et rebelle était hier soir au Dôme de Marseille pour un concert rythmé et intimiste. Juste avant, elle nous avait reçu dans sa loge.

Un jean sans paillettes et un gros pull pour cacher une timidité indécrottable, un sourire de petite fille pour apprivoiser l’inconnu qui se présente. Hier après-midi, dans les loges du Dôme de Marseille, quelques heures avant de proposer un concert tout en douceur, mais bercé de textes rebelles, Tracy Chapman s’est posée sur un coin de table basse, une bouteille d’eau à la main, le temps de quelques réflexions. A observer cette femme de 38 ans lovée dans son intimité, on ne se représente qu’avec difficultés celle qui, depuis une quinzaine d’années et son planétaire Talkin’ about the Revolution, fait figure de leader de la chanson protestataire aux Etats-Unis.

Je ne crois pas que je referais cette chanson aujourd’hui, glisse-t-elle. Même si j’aime toujours son énergie et la passion qui l’entoure. Quand j’y repense, je me dis que le monde a changé depuis. Pas de manière significative. Mais si je m’arrête sur l’Afrique du Sud, alors oui, pas mal de choses ont bougé. Si je devais la refaire aujourd’hui, je ne sais pas ce que j’y mettrais dedans. Je ne parlerais pas de l’Irak. Personne n’est capable de faire entendre sa voix sur ce sujet.

Avec le temps, Tracy Chapman a peu à peu laissé filer ses combats, martelés à coups de mots durs, pour des considérations plus douces. “Mon dernier album, Let it rain, parle plus d’amour et de sentiments observés autour de moi que de misère ou de luttes en faveur des femmes. Mais, même si les textes sont plus doux, mes convictions sont les mêmes. J’ai eu envie, après cinq albums qui se tenaient les uns aux autres et qui m’enfermaient un peu, de prendre ma liberté”.

Estampillée reine de la “protest-song”, Tracy, originaire de la bourgeoisie noire de Cleveland, ralentit le mouvement. “Quand je voyage beaucoup, comme en ce moment, j’observe les choses, les gens et je vois que les discours s’entendent de moins en moins. En traversant Marseille en voiture, j’ai pensé à San Francisco, la ville où je vis et qui me manque. J’y ai vu des points communs dans l’architecture et dans les gens. Toutes les communautés semblent coexister ici. J’avais hâte de monter sur scène pour leur parler.” En guise de réponse à ses mélodies délicates, elle a eu droit à de l’écoute et beaucoup de respect. L’essentiel pour Tracy.

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